Sons émis par le cheval : une porte vers la compréhension de ses émotions ?
Où en sommes-nous dans la compréhension des sons produits par les chevaux, sutout ceux liés aux émotions positives ?
DOSSIER DE VULGARISATION SCIENTIFIQUE : PARLEZ-VOUS CHEVAL ?
Agathe Nobis
11/22/20247 min read


Option LV2 cheval
Le cheval parle : d’abord avec ses congénères, mais aussi avec nous. En effet, cet animal grégaire vit en troupeau, la communication entre individus est donc indispensable au bon équilibre du groupe. De plus, étant un herbivore et la proie d’autres animaux, savoir identifier et communiquer un danger ou une menace lui est primordial. Depuis sa domestication, il est aussi très dépendant de l’être humain (qui a pris le contrôle sur ses ressources et sur sa mobilité en modifiant son environnement et en le montant ou en profitant de sa compagnie contre le gîte et le couvert).
Les vocalisations négatives du cheval sont d’ailleurs assez bien connues, car les comprendre aide à améliorer la sécurité des cavaliers et cavalières. D’un autre côté, le cheval doit aussi savoir communiquer des émotions positives pour améliorer le lien social avec les autres membres du troupeau et en conserver l’harmonie, humains y compris. La communication d’émotions positives participe aussi au bon développement du poulain ou de la pouliche, à résoudre des conflits au sein du troupeau ou encore à réguler des émotions négatives.
Enfin, le cheval se “parlerait” à lui-même : comme on peut chantonner pour se rassurer enfant, le cheval semble aussi s’auto-réguler suite à la production de certains sons.
NB : nous utiliserons dans cette série d’articles des termes anglais pour désigner les sons produits par le cheval. En effet, la recherche étant partagée en anglais, vous retrouverez ces termes dans les articles cités. De plus, la langue française montre parfois ses limites, et la langue anglaise propose des termes qui sonnent parfois plus “justes” à l’oreille. Une traduction est bien sûr proposée. Bonne lecture !
Pourquoi s’intéresser aux sons produits par le cheval domestique qui sont liés aux émotions positives ?
Pendant longtemps, la compréhension des émotions du cheval se bornait dans une majorité de cas à reconnaître un cheval dangereux ou agressif, pour éviter les accidents. En effet, le cheval était soit un instrument de travail, soit un instrument de compétition, avec des enjeux financiers dans l’écrasante majorité des cas.
Maintenant, avec l’intérêt grandissant pour le bien-être animal et la volonté d’aller au-delà de l’absence de souffrance, nous nous tournons vers l’identification de la présence de bien-être. C’est d’autant plus vrai depuis que les connaissances sur le cheval (via aussi la recherche chez l’être humain), ont montré l’intérêt des émotions positives pour des chevaux plus performants, moins malades, etc. En sont témoins l’élan de l’éthologie, du métier de comportementaliste équin, du nombre grandissant de chevaux de loisir ou de “compagnie” et la prise en compte du troisième âge (avoir des chevaux à la retraite plutôt qu’à la boucherie).
Bref, ne pas aller mal, c’est bien. Aller bien, c’est mieux, autant pour les humains que pour les chevaux (et même dans une optique capitaliste et productiviste). La filière équine s’empare d’ailleurs de plus en plus de ce sujet, et lance des études à son échelle ou s’alimente de connaissance produite ou agrégée par autrui, comme le fait par exemple l’IFCE (l’institut Français du Cheval et de l’Équitation).
Les vocalisations émises par le cheval domestique
Les informations suivantes sur les vocalisations et les sons produits par le cheval sont issues de l’article scientifique “Acoustic communication in the domestic horse (Equus caballus)” (en français : “Communication acoustique chez le cheval domestique [Equus caballus]”) écrit par Seong C. Yeon et publié dans le Journal Of Veterinary Behavior en 2012. Vous trouverez la référence en bas de cette page.
☝️ Notons que Yeon parle de “communication” et non pas d’”expression d’émotion”. Ce papier s’attarde donc sur l’information donnée au récepteur du son ou de la vocalisation. C'est-à-dire que si j’entends un cheval faire ce son, je peux m’attendre à tel comportement dans tel contexte. Le son a alors une valeur de prédiction du comportement à venir dans un contexte similaire. Et un même comportement peut résulter de différentes émotions, et inversement. Un cheval qui se sent frustré peut répondre par un comportement agressif ou alors se replier sur lui-même. Il produira alors un son différent (ou pas de son du tout).
Nous aimerions qu’un son corresponde à une émotion, pour faciliter notre quotidien. Hélas (ou heureusement ?), la vie est bien plus complexe et riche que cela !
Que faire des sons listés ci-dessous, me direz-vous ? Appréciez-en déjà la diversité (un cheval ne fait pas que hennir ou souffler). Cela vous ouvrira de nouvelles portes d’interprétation quand vous observerez votre cheval dans le futur, et aiguisera vos yeux et vos oreilles pour mieux le comprendre.
Nous allons voir dans cet article les principales productions vocales, ou non vocales du cheval, en nous attardant sur les émotions positives encore peu étudiées (et encore moins connues du grand public).
En selle ! Il y a un peu de jargon, mais promis avec tout ça vous allez pouvoir briller au club-house.
SOMMAIRE
Introduction : option LV2 cheval
Pourquoi s’intéresser aux sons produits par le cheval domestique qui sont liés aux émotions positives ?
Les vocalisations émises par le cheval domestique
Whinnies (neig) - Hennissements
Nicker - Hennissement fort
Squeal - Couinement
Scream - Cri
Groan - Grognement
Les sons (non vocaux) émis par le cheval domestique
Blow - Soufflement
Snore - Ronflement
Snort - Ébrouement
Conclusion
Référence
Whinnies (neigh) - Hennissement
J’ai nommé le plus connu, dès le plus jeune âge, des sons produits par le cheval. Il peut être produit lors d’une rencontre avec un cheval ou un humain (comme une salutation) ou comme appel lors d’une séparation, pour renouer le contact avec un autre cheval ou un poulain / une pouliche. Il peut aussi est produit lors d’une anticipation d’un évènement plaisant ou non plaisant, comme signal de frustration ou de détresse, de curiosité à propos d’un évènement ou encore quand un cheval en cherche un autre. Bref, c’est un peu le couteau suisse de la communication vocale du cheval. Vous l’aurez compris, bien que ce son nous semble familier, il contient de nombreuses subtilités où le contexte est primordial pour savoir si le cheval est en train de vivre une émotion positive ou négative.
Nicker - Hennissement fort
Les gérant·es d’écurie le connaissent bien, car il est souvent produit avant de donner la nourriture. Les éleveurs et éleveuses quant à eux l’entendent quand un étalon exprime un intérêt sexuel pour une jument. Une jument peut aussi produire ce sont pour montrer à son poulain ou à sa pouliche son inquiétude.
Squeal - Couinement
Les propriétaires de jument vous diront qu’ils et elles l’entendent plus souvent que les propriétaires de hongres… nous n’avons pas de réponse si les juments couinent vraiment plus. Cependant, le couinement est utilisé lors d’interactions agressives entre étalons, entre juments, etc. Une jument couinera pour refuser les avances d’un étalon. Il s’agit aussi d’un son produit lors d’une investigation olfactive, lors de douleurs aigües (comme une piqûre).
Scream - Cri
Ici, pas de surprise, le cri est produit lors d’agression très sérieuse. Voilà.
Groan - Grognement
Un cheval pourra grogner dans une situation d’inconfort, de conflit, de souffrance, d’effort physique ou encore débout pendant la relaxation d’une douleur (par exemple, quand on cheval se roule et ainsi soulage ses son corps). Une jument pourra aussi grogner pendant la mise bas.
Roar - Rugissement
Un étalon pourra “rugir” pendant un état extrême d’excitation envers une jument. Un cheval pourra aussi produire ce son lors d’une salutation très confiante, l’anticipation d’un évènement plaisant ou non plaisant ou alors s’il se sent frustré.
Encore une fois (la pédagogie, c’est l’art de la répétition, comme on dit), vous l’aurez compris : une vocalisation ne correspond pas à une seule situation ni même à une seule émotion. Par exemple, la frustration peut être exprimée à la fois par un rugissement ou un hennissement selon le contexte, selon Yeon. Bien que l’anatomie du cheval ne lui permette pas de moduler aussi finement que nous les sons produits par le larynx, une vocalisation peut être reliée à la fois à une émotion positive ou négative, et d’intensité variable. Nous nous attarderons sur le hennissement relié à des émotions positives, étudié par la chercheuse Élodie Briefer et ses équipes :
Les types de production sonores non vocales chez le cheval domestique
Les productions de sons non vocaux chez le cheval sont souvent mal étudiées. Nous parlons ici du cheval qui souffle, qui ronfle, qui renifle et qui s’ébroue. En effet, jusqu’à peu, les différents bruits produits par le passage du souffle dans les nasaux étaient utilisés sans distinctions, comme s’ils étaient tous des synonymes. Comme ces sons ne sont pas produits par le larynx, mais par le passage dans les nasaux, ils ont d’ailleurs longtemps été associés à un usage hygiénique (comme si ces passages d’air se limitaient à “moucher” le cheval).
Faisons d’abord le tour de ces sons :
Blow - Soufflement
Un cheval va souffler lors d’une investigation olfactive d’un objet ou d’un être. Cela peut aussi être un signe d’excitation pendant un reniflement exploratoire.
Snore - Ronflement
Un cheval va ronfler avant de donner un signal d’alarme, si la respiration est laborieuse ou pendant un sommeil couché (et non pas s’il dort debout).
Snort - Ébrouement
Il a été identifié pendant des situations de jeu. En dehors de cela, il a longtemps été vu exclusivement comme une façon pour le cheval de se moucher (le “Sneezing Snort” ou le “reniflement” en français), ou de donner un signal d’alerte. Nous verrons plus en détail dans un article dédié le travail d’une équipe de recherche sur ce son particulier qui est loin de n’avoir qu’une fonction hygiénique :
Conclusion
Si vous êtes arrivé·e jusqu’ici : bravo ! Vous en savez un (tout) petit peu plus sur les émotions du cheval domestique, et plus particulièrement sur les vocalisations et les sons. Mais vous savez surtout que la recherche sur le sujet, et surtout sur les sons et vocalisations émotionnelles positives, n’en est qu’à ses débuts. On espère que vous comprendrez un peu plus votre cheval après cette lecture. Mais surtout, que vous prendrez le temps de l’observer jour après jour pour à essayer de mieux le comprendre.
Référence
Yeon, S. C. (2012). Acoustic communication in the domestic horse (Equus caballus). Journal of Veterinary Behavior, 7(3), 179–185. https://doi.org/10.1016/j.jveb.2011.08.004


Agathe Nobis
Stagiaire psychologue
À cheval entre la neuroscience et la psychologie, je suis maintenant en relation à distance avec Kabour, un hongre de 26 ans, après plus de 10 ans de vie commune. Kabour a littéralement changé mon rapport à mes émotions. C’est cette relation, ainsi qu’une expérience en équithérapie en Nouvelle-Zélande, qui m’ont poussé à reprendre mes études entre psychologie clinique et recherche scientifique.
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