Lutter contre la maltraitance des chevaux : que peuvent faire les cavaliers ?
Comment lutter contre la maltraitance des chevaux quand on est simple cavalier ? Voici des pistes concrètes pour s’engager à faire évoluer les pratiques équestres, sans s’épuiser dans ce combat.


Rien de plus paralysant que de scroller sur les réseaux et de voir toutes ses photos de chevaux qui tiquent en box, ces posts engagés dénonçant la maltraitance des chevaux de sport sur le terrain de concours ou encore ces débats entendus au coin de l’écurie sur "tous ces cavaliers qui enferment leur cheval au travail".
La tendance au sein du milieu équestre tend à pencher vers la bien-traitance animale (et c’est super !). Je le vois, ne serait-ce qu’en lisant Cheval Magazine (de juin 2025) des articles sur la bien-traitance, des rappels sur les besoins fondamentaux des chevaux et des encouragements à les respecter.
Les fédérations s’engagent également dans une lutte contre la maltraitance des chevaux et vers un changement des pratiques équestres, notamment en sanctionnant les cavaliers de haut niveau lorsque des faits des maltraitances avérées sont dénoncées (comme la Fédération Equestre Internationale (FEI) le fit avec Charlotte Dujardin lors des Jeux olympiques de Paris en 2024 ou plus récemment avec César Parra en août 2025).
Comment faire pour encourager ces changements quand on est un petit pion dans l’échiquier ?
1. Prendre conscience de l’impact émotionnel de la maltraitance des équidés
Les médias partagent avant tout le négatif de l'actualité. Cette surexposition au négatif dans les médias VS une vie parfaite présentée sur les réseaux sociaux plongent l’individu dans un état de paralysie émotionnelle, de sidération : le monde est horrible et ma vie est nulle.
On veut de l’émotionnel donc on fait du contenu choc (même dans le journal de 20h). Souvent ces contenus sont produits et partagés par des personnes elles-mêmes envahies émotionnellement par la situation qu’elles vivent.
Exemple : une petite association qui dénonce des faits de maltraitance dans un centre équestre est impactée par la violence à laquelle elle a assisté lors de son enquête. Elle se sent probablement impuissante et en colère, disposant de peu de moyens d’action et tentant de faire réagir le monde en dénonçant comme elle le peut.
Bref, elle est difficilement en mesure d’offrir des conseils adaptés aux cavaliers pour changer leurs rapports aux équidés.
(Leur rôle est d'ailleurs peut-être déjà amplement rempli en dénonçant les faits de maltraitance ? Celui d’initier le changement serait alors un rôle qui se réserverait peut-être à d’autres personnes.)
Comment réagissez-vous face à ces propos : “C’est horrible ces fermes à sang de chevaux en Islande ! Elles existent depuis 40 ans avec au compteur 120 fermes, je vous laisse imaginer le nombre de chevaux maltraités et morts dans d’atroces souffrances. L’Homme doit réagir !”
VS : “La situation observée en Islande est grave et ne répond plus à nos valeurs humaines du XXIe siècle. Il est important que nous agissions et cela peut se faire par ces différents moyens d’actions : présentation des actions possibles pour tout un chacun”.
Vous ne vivez probablement pas les mêmes émotions et votre circuit d’engagement est bien plus facilement mobilisable grâce à cette 2e présentation du problème des fermes à sang en Islande !
☝️ Prendre conscience de l’état émotionnel dans lequel une information vous fait basculer va vous permettre de vous réguler et de redistribuer avec justice (et justesse) la part de responsabilité de chacun dans cette affaire. Et ainsi, cesser de crouler sous le poids de la culpabilité (j'y dédie un épisode de podcast entier).
2. Agir à son échelle pour le bien-être des chevaux
Prenons l’exemple des chevaux enfermés au travail, que faire ? Cette pratique est largement popularisée et valorisée dans tous les milieux équestres, de tous les pays. Et elle continue d’être massivement enseignée, représentée et (malheureusement) valorisée dans les concours de plus hauts niveaux.
Plusieurs petits pas à notre échelle de simples cavaliers existent :
S’affirmer dans sa vision de l’équitation lors des discussions aux écuries (dans le respect des croyances de chacun)
S’exposer au travail : proposer une équitation différente aux yeux des autres cavaliers dans la carrière
Organiser un stage dans son écurie sur ce sujet avec un professionnel spécialisé
Partager une étude récente sur les séquelles de l’enfermement sur la respiration du cheval au travail dans le groupe de l’écurie (”je viens de lire une étude hyper intéressante, j’ai appris pas mal de choses que je ne savais pas, je le partage pour ceux que cela intéresserait.”)
Ses idées sont déclinables pour bien des sujets ! Et sont surtout adaptables à vos propres possibilités.
La question centrale autour de laquelle vous devez réfléchir est celle-ci : quel plus petit pas me semble-t-il, POUR MOI, possible de faire ?
N’hésitez pas à mobiliser votre créativité !
Par exemple, j’utilise mes connaissances de psychologue pour appuyer les valeurs que je défends. Et j’utilise mon plaisir pour l’écriture pour partager mes propos sur Internet.
➡️ Je me sens ainsi par cette action, amplement participer, à mon échelle, au changement de notre société équestre.
3. Nouer des relations positives et constructives pour trouver du soutien dans la lutte contre la maltraitance des chevaux
Quoi de plus difficile que de mener un combat seul.e ? C’est l’épuisement et le désespoir qui vous guette.
Nous avons besoin de nous sentir appartenir à un groupe. C’est un besoin vital. Pour que ces liens nous soient bénéfiques, ce groupe doit nous ressembler. Nous devons partager avec ses membres des valeurs communes.
Ces relations sont parfois difficiles à nouer dans la pension dans laquelle lorsque nos perceptions de la vie sont trop différentes. D’autres options s’ouvrent alors à soi : changer de pension, renforcer les liens avec ses ami.e.s cavalier.e.s en dehors de cette pension, participer régulièrement à des stages à l’extérieur, etc.
Les réseaux sociaux : un lieu de rencontre possible pour lutter contre la maltraitance des chevaux
Les réseaux sont une option vers laquelle un grand nombre de personnes se tourne. Et c’est chouette… si ces relations sont réelles ! Et je ne parle pas là du virtuel VS du présentiel.
Si vous entretenez 100 discussions sur Instagram avec 100 personnes différentes, mais qu’aucune de ces personnes n’est là pour vous aider lorsque vous en avez besoin, vous allez vous sentir très seul.e !
Il suffit en revanche que vous ayez un.e seul.e très bon.ne ami.e rencontré.e sur les réseaux, avec qui vous entretenez une relation intime, profonde, de qualité et réciproque, pour que votre sentiment de solitude s’envole.
4. Lutter contre la maltraitance des chevaux : l’individu ne peut agir à la place de la société
Vous avez le pouvoir de choisir. Et vous avez notamment le pouvoir de choisir vos moyens d’action vers le changement auquel vous souhaitez participer.
Mais restez conscient.e que vous ne pouvez pas remplacer la société. Notre société occidentale est devenue une société individualiste (l’individu occupe la place centrale, et non plus le groupe comme auparavant).
Il y a évidemment des aspects positifs mais également négatifs, vous vous en doutez. Notamment celui de la déresponsabilisation de la société au profit de la responsabilisation de l’individu. L’individu serait seul responsable de son bien-être, de son bonheur, de sa réussite.
Le fameux “quand on veut, on peut”.
Si le sujet vous intéresse, je vous encourage à lire le passionnant livre de Samah Karaki “L’empathie est politique” ou écouter ces interviews en podcast.
Pour ramener ce point à notre sujet principal : agir contre la maltraitance des équidés, oui, vous pouvez agir à titre individuel et à votre échelle si cela est important pour vous. Mais non, vous ne pourrez jamais agir là où seule la société se doit d’agir. Par contre,
Vous pouvez adhérer à des associations qui ont des moyens d'agir à plus larges échelles que vous.
Vous pouvez voter pour des élus qui défendront les valeurs auxquelles vous croyez.
Vous pouvez boycotter certaines marques et en encourager d’autres.
Vous pouvez vous engager dans un métier vous permettant d’avoir plus de pouvoir d’action grâce à vos fonctions (juge de dressage, gérant de pension, élu, etc.)
Vous pouvez rejoindre des groupes d'action existant (ex : La fresque des activités équines, Collectif pour les chevaux, etc.)
Et ainsi, participer à votre échelle, au changement de la société ☀️.


Mais avant tout, prenez soin de vous, car le combat que vous décidez de mener ne durera pas si vous vous épuisez dedans.
Alors, quel plus petit pas possible vous sentez-vous prêt à mettre en place dès demain ?
Le sujet vous intéresse et vous souhaitez aller plus loin ? Faites-le moi savoir par mail ou sur instagram car je donnerai une conférence chez Miliepattes dès 2026. Nous aurons le temps d’élaborer plus en détails sur ces questions, et de passer à l’action ensemble !


Solenn Habre
Psychologue depuis 2016, les émotions et la relation sont le coeur de mon métier. La rencontre de mon cheval Jupiter en 2020 m'a fait réaliser l'impact exceptionnel qu'avaient nos émotions dans la relation avec nos chevaux. Depuis, je vous accompagne dans cette voie !