Les chevaux sont-ils vraiment notre miroir ?
Les chevaux sont-ils vraiment des éponges émotionnelles ? Ils ne font pas que nous renvoyer nos émotions, et c’est en cela que la relation avec les chevaux est profondément enrichissante, et parfois challengeante. Dans cet épisode, découvrez des éléments de neuroscience, mais aussi mon vécu personnel avec Jupiter pour mettre en lumière comment, au final, il s’agit plus d’un jeu de ping-pong relationnel entre l’humain et le cheval, que d’un jeu de miroir.
Podcast Symbiose Équine - Épisode 4
Transcription
“Bienvenue sur Symbiose Équine, le podcast du cavalier qui met du sens sur vos questionnements et des mots sur vos émotions. Au détour de chaque épisode, allez à la rencontre de vous-même et de votre cheval afin d'entrer en symbiose avec lui. Le tout saupoudré d'une bonne dose de lâcher prise.
Bonne écoute !
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Bonjour à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode de podcast. Aujourd'hui, on va aborder la question qu'on peut retrouver dans tellement, tellement, tellement de livres. Les chevaux sont-ils vraiment notre miroir ? Je vous laisse vous faire votre propre avis avec les arguments que je vais vous présenter qui relèvent à la fois des neurosciences et à la fois de mon avis personnel.”
Le cerveau émotionnel du cheval décortiqué par la science
“Et je me doute que très rapidement, grâce à cet épisode, vous allez comprendre quel est mon point de vue et ma réponse à cette question. Premier élément de réponse, les structures cérébrales du cheval lui permettent d'avoir des capacités émotionnelles très développées. On va retrouver les mêmes structures cérébrales jouant un rôle dans la régulation des émotions chez le cheval et chez l'humain.
Typiquement, on va retrouver l'hippocampe, pour ceux qui connaissent, L'amygdale, le gyrus cingulaire ou encore l'hypothalamus. Grâce à ces aires cérébrales, le cheval est en capacité de ressentir des émotions, mais aussi de reconnaître des émotions chez l'autre. On parle d'empathie émotionnelle.
Si ce sujet vous intéresse et que vous voulez plus de détails, je vous invite vivement à vous tourner vers l'IFCE. Tout un tas d'études sont en ligne, sont passionnantes et sont d'ailleurs hyper fun je trouve, à reproduire à la maison avec son cheval, quand on peut en tout cas.
Par exemple, l'empathie émotionnelle, ça va être votre cheval qui repère que vous êtes en colère.
Alors, il ne sait pas le pourquoi du comment, il ne sait pas si c'est lié à votre journée de boulot, si c'est lié à une réflexion, si c'est lié à lui, à vous, peu importe. Par contre, ce dont il est sûr, c'est qu'il perçoit de la colère chez vous, il la reconnaît et il est capable de la ressentir en se mettant à votre place. Alors, il faut faire la distinction entre empathie et sympathie, donc je fais volontairement un petit aparté sur la question.”
Ne plus confondre empathie et sympathie pour mieux vivre ses relations
“L'empathie, c'est être capable de se mettre à la place de l'autre et de ressentir grosso modo ce que vit l'autre. La sympathie, on va être à un niveau au-dessus, c'est-à-dire que non seulement je me mets à la place de l'autre, mais je vis littéralement les émotions de l'autre dans mon corps, avec cette même dose, cette même charge émotionnelle. On est dans les émotions de l'autre qui vont me submerger, je suis une éponge émotionnelle. L'empathie, certes, je suis capable de comprendre et peut-être même de ressentir un peu ce qu'il vit, mais c'est dans une juste mesure. Fin de la parenthèse.”
Le cheval, un être équipé pour l’expression des émotions et pour l’empathie
“En matière d'expression faciale, nos partenaires équins sont également très bien dotés, puisqu'ils ont 17 expressions faciales, c'est énorme. Les humains, on est à 27. Le chien est à 16 et le chimpanzé est à 13 expressions faciales. En tout cas, c'est ce que l'étude de Jennifer Wathan, j'espère que je le prononce bien, a fait ressortir en 2015. Le cheval a donc de vraies compétences d'expression émotionnelle, de compréhension émotionnelle.
L'empathie chez le cheval, c'est vraiment ce qui est à l'origine de notre relation si intense avec lui.
En fait, tous les deux, on est en capacité de nous comprendre et de communiquer, et notamment du coup, par cette communication émotionnelle qui existe entre nos deux espèces. On a vraiment un mode de communication en commun qui permet de nous comprendre mutuellement.”
De l’importance de la congruence émotionnelle chez le cavalier pour améliorer le bien-être de son cheval
“La deuxième chose, le deuxième argument que j'observe et que je suis loin d'être la seule à observer puisque finalement, tout un chacun en a soit déjà fait l'expérience, soit déjà eu des témoignages de personnes autour de soi qui en ont fait l'expérience, c'est que les difficultés dans lesquelles le cheval nous met ne sont jamais anodines. Les difficultés, je précise, émotionnelles, relationnelles, ne sont jamais anodines.
Pourquoi ? Le cheval a besoin de congruence et d'authenticité pour interagir avec l'autre. Il est dans l'acceptation inconditionnelle de l'autre à partir du moment où cet autre s'accepte déjà lui-même. Pourquoi ? Parce que si l'autre s'accepte, il est congruent, il est prévisible.
La congruence, c'est un élément clé sur lequel les chevaux sont intransigeants.
Que vous soyez triste, c'est ok, mais que vous soyez triste, que vous vous le cachiez à vous-même et aux autres, quelles qu'en soient les raisons, et bien souvent c'est simplement de la protection, et bien ça va générer des incohérences dans les messages que vous envoyez lorsque vous communiquez avec votre cheval. Puisque deux messages contradictoires sont envoyés, d'un côté je m'efforce de dire que ok ok tout va bien, et de l'autre, mon non-verbal transpire le ça va pas du tout.
Les chevaux nous invitent fermement à être qui nous sommes dans l'instant présent, à ne pas nous cacher derrière des masques sociaux, de bienséances, leur message en quelque sorte ce serait “vis ce que tu vis, tel que tu le vis à l'instant présent, et n'essaie pas de t'y soustraire”. Nos maux, “M-A-U-X” (et pas “mots”), trouvent d'ailleurs toujours leurs origines dans des épisodes de vie auxquels nous avons essayé de nous soustraire, d'oublier, de réécrire ou encore de minimiser, parce qu'il a bien fallu y faire face, se protéger de la douleur que ça a généré à ce moment-là, on fait comme on peut très clairement, donc on essaie de s'y soustraire. Et la réparation de l'impact de ces événements sur soi, ne pourra se faire que par l'acceptation pleine et totale de la souffrance que l'on a ressentie lors de ces événements, tant que l'on n'accepte pas la souffrance que l'on a vécue, que l'on tente de la minimiser, de la justifier, de la taire, de la contre-attaquer.”
Se rapprocher de ses propres émotions, c’est aussi se rapprocher de son cheval
“Plus on s'éloigne de la réparation, plus on s'éloigne de soi en fait, tout simplement, et donc on s'éloigne de fait des autres. En victimologie, qui est une branche pleine de mon travail, on répète presque continuellement à nos patients que la guérison ne peut se faire qu'en passant par l'acceptation du statut de victime. Or c'est bien le souci, bon nombre de personnes refusent de passer par cette phase-là. Je mets des guillemets de victime, et encore une fois, il n'y a pas besoin d'avoir été victime de choses dramatiques comme on pourrait voir à la télé. Avoir simplement été victime d'un prof qui nous fait une réflexion humiliante devant toute la classe, d'un papa qui travaille trop et qui nous néglige de fait parce que “pas le temps”, d'avoir été victime d'un petit frère qui est malade et qui a beaucoup accaparé nos parents, il n'y a pas forcément de violence directe, volontaire, pour autant on est victime de la situation et de la souffrance que ça génère en nous.
Si on saute cette étape d'accueil de la souffrance que l'on a ressentie, cette souffrance va perpétuellement continuer de venir taper à la porte, jusqu'à ce qu'elle ait été entendue, accueillie et que donc elle ait trouvé un chemin de sortie, qu'elle ait pu être régulée.
En sautant cette étape d'acceptation et en voulant aller immédiatement de l'avant, on s'interdit de reconnaître, de se reconnaître ce qu'on a vécu. Pourtant, paradoxalement, on attend souvent que les autres reconnaissent ce qu'on vit, notre existence, nos émotions. Mais c'est assez paradoxal, bon c'est là toute la psychologie, mais c'est complètement paradoxal d'attendre une reconnaissance de l'autre alors qu'on n'arrive pas soi-même à s'accorder cette reconnaissance de ses émotions.
La réparation, c'est donc la reconnaissance de ce que j'ai vécu et de ce que je vis encore aujourd'hui, si j'ai pas eu de réparation. Les chevaux, ils sont ces guides qui nous mènent sur cette voie-là de la reconnexion à soi, de la réparation de notre histoire. Ils nous rendent entiers, ils nous amènent à reconnecter avec toutes ces parts de nous qu'on a tenté de minimiser, de taire, de justifier, etc.”
La relation avec le cheval peut nous mettre face à nous-mêmes et nous aider à nous réparer, dans le lien
“C'est comme cela que Jupiter m'a profondément bousculé dans ma position d'humaine. Ce cheval avec une énergie très haute qui semble toujours en colère, en tout cas vraiment l'émotion colère, c'est quelque chose qui est très présent chez lui et finalement beaucoup plus que l'émotion “peur”. En fait, c'est le reflet parfait de cette colère que je peine tant à exprimer.
Et ça du coup, c'est mon ressenti propre et libre à chacun d'y adhérer ou pas, c'est ok, je vous transmets simplement mon vécu. Et Jupiter quand il passe son temps à envahir, à titiller l'autre, à se bagarrer, à se castagner et que moi je fais tout à l'inverse dans ma vie pour ne pas déranger l'autre, rester discrète, vraiment avoir cette image de la petite fille sage qu'on a attendu de moi pendant toutes ces années, cette petite fille à laquelle surtout on ne peut faire aucun reproche, qui est parfaite, cette petite fille qui va bien alors qu'en fait à l'intérieur de moi, ça hurle le mal-être et la souffrance.
Et plus je tente, adulte, de cacher mes plaies ouvertes, plus j'ai un cheval qui va se battre avec ses congénères, qui cumule les blessures, je m'en rends malade et je n'ai aucun contrôle sur ça.
Alors ça peut paraître complètement fou et ça l'est pour moi et des fois c'est difficilement raisonnable, j'en ai conscience et pourtant c'est le constat que mon cerveau de psy rationnel a fait sur ces trois années de vie avec Jupiter, c'est qu'il est vraiment cette part visible de la colère invisible en moi. Et plus j'ai appris à exprimer ma colère, à poser mes interdits, mes limites, plus mon cheval, objectivement, je ne peux que le constater dans mon quotidien, plus mon cheval s'est peu à peu apaisé dans ses relations. Donc il gardera toujours le tempérament qu'il a parce qu'il a aussi son histoire, son vécu.”
Le cheval ne nous renvoie pas notre image, il met plutôt en lumière ce qui ne va pas, mais aussi ce qui va
“Et ce sera l'occasion encore d'un autre podcast, mais je suis convaincue qu'on ne se lie pas avec un cheval par hasard. Souvent, on a des histoires communes qui font qu'on se parle, qu'on se sait et qu'on s'accroche à ce cheval plus qu'à un autre. Mais plus j'exprime cette colère, plus j'aide cette colère à se réguler et moins mon cheval a la peau ouverte par les blessures et par ses castagnes avec ses congénères.
Des parallèles comme ça, j'en vois très souvent. À chaque histoire de couple que vont me raconter mes clientes, j'observe des parallèles. Pourtant, en vrai, il n'y a rien de magique là-dedans.
C'est simplement le fruit de rencontres qui, ben voilà, comme tous les couples amoureux ne sont pas dus au hasard, c'est ce que je vous disais, mais plutôt à des modes relationnels des individus qui se recoupent. C'est-à-dire que ma vie fait qu'aujourd'hui j'interagis de telle manière, ta vie fait qu'aujourd'hui tu interagis de telle manière et que lorsqu'on se rencontre, nos modes relationnels vont matcher ou non. Et pour reboucler avec mon histoire avec Jupiter, le fait qu'il soit autant blessé m'envahissait démesurément.
Alors que pour d'autres, bon, ça aurait peut-être posé un peu moins de problèmes. Ça m'envahissait parce que j'avais pas de contrôle, j'avais beau essayer tout un tas de choses, les blessures continuaient, ça a été vraiment compliqué. Et finalement, c'est en tirant ce fil, on va appeler ce fil des blessures de Jupiter, que j'ai pu faire ce lien avec mon histoire.
Dès lors où j'ai pris en charge mes propres blessures, les blessures physiques de Jupiter ont commencé à diminuer. À mon sens, vous l'aurez compris, il est évident que les chevaux, tout comme n'importe quel être relationnel doté d'émotions, ils nous renvoient nos failles, nos blessures, nos tabous au visage. Dans l'attente, j'ai vraiment l'impression, et dans une attente très patiente, que nous nous retrouvions nous-mêmes, avec nous-mêmes, c'est-à-dire moi en tant qu'humain avec moi-même, pour pouvoir ensuite les rejoindre, eux, en tant que cheval, et établir cette relation homme-cheval.
Finalement, c'est l'individualité propre de nos chevaux qui fait d'eux des guides si fins et si justes dans ce chemin de la rencontre de soi, afin de nous mener, in fine, à leur rencontre.
J'espère que ces éléments vous amèneront à penser cette question, à vous faire votre propre avis. Je serai curieuse de le connaître, alors n'hésitez pas à me le partager sur mes réseaux par mail.
Puis je vous dis à très vite pour un nouvel épisode.”
Référence citée
Wathan, J., Burrows, A. M., Waller, B. M., & McComb, K. (2015). EquiFACS: The Equine Facial Action Coding System. PLOS ONE, 10(8), e0131738.https://doi.org/10.1371/journal.pone.0131738
Solenn,
Psychologue & fondatrice de Symbiose Equine, la psychologie adaptée aux cavaliers

