Est-ce que les chevaux s’attendent à ce que les humains règlent leurs problèmes ?

La question peut paraître bizarre écrite comme ça, mais elle est légitime : nous avons domestiqué les chevaux et nous sommes rendus indispensables à leur survie en contrôlant leur environnement, leur nourriture, leur gîte, etc.

RENFORCER SA RELATION AVEC SON CHEVAL

Agathe Nobis

7/12/20255 min read

Une relation d’inter-dépendance qui s’est construite au fil des siècles

Nous avons créé une relation d’interdépendance (un peu en notre faveur) entre les chevaux et nous. On a augmenté leur espérance de vie moyenne, mais on a aussi peut-être augmenté le taux d’ulcère (ouch).

Mais à force de “simplifier” la vie de nos chevaux et parfois en appauvrissant leur exposition à des environnements et des problèmes variés, ils utilisent de moins en moins leur tête… Enfin ça dépend des chevaux ! Certains savent très bien utiliser leur cerveau pour comprendre comment ouvrir leur boxe (on a tous·tes ce genre de génie dans notre écurie… ce cheval c’est peut-être même le vôtre ! AKA la hantise des gérants).

En tout cas, une équipe de chercheuses et chercheurs (Lesimple et al., 2012) s’est posé la question : est-ce que les chevaux s’attendent à ce que les humains règlent leurs problèmes ?

Les chevaux domestiques, accros aux humains à en devenir gagas ?

L’équipe de recherche commence par souligner que les chevaux domestiques sont capables de bonnes compétences cognitives, car ils peuvent nous porter une grande attention et comprendre nos actions. Ils y sont si attentifs qu’ils sont devenus dépendants de nos comportements pour avoir accès à leurs ressources : nourriture, eau, espace, etc.

Mais alors que cela démontre d’une certaine forme d’intelligence, cela a un prix et les rend peut-être un peu “bête” (pardonnez ce jeu de mots non voulu) dans le domaine de l’autosuffisance. Pour tester ça, l’équipe de recherche a utilisé une tâche déjà connue dans le milieu (et c’est un tout petit milieu la recherche en comportement équin) : le test du coffre.

Un simple coffre peut-il mesurer les compétences cognitives des chevaux ?

Il s’agit d’un test d’apprentissage où un coffre en bois est fermé, avec le dessus un peu plus long pour que le cheval puisse l’ouvrir avec son bout du nez. Il y a de la nourriture à l’intérieur. Le cheval doit donc ouvrir le coffre. Sa performance est chronométrée et les comportements du cheval sont notés. Pour que le cheval soit motivé, le test a lieu une heure avant l’heure du nourrissage et la nourriture dans le coffre est leur nourriture habituelle. Une personne se tient dans la même pièce que le cheval et le coffre. Pour cette expérience, 46 chevaux ont été confrontés au test du coffre.

Photos issues de l’article de Lesimple et al. (2012).

Est-ce que, malgré nous, nous empêchons nos chevaux d’utiliser les compétences de résolution de problème ?

Résultat : la moitié des chevaux arrivent à ouvrir le coffre en 3 minutes ou moins.

La plupart montraient de l’intérêt pour la personne présente avec eux pendant l’expérience (“et toi, là bas, normalement les humains m’ouvrent tout !”).

La moitié des chevaux qui avaient montré beaucoup d’attention envers la personne présente n’ont pas réussi à ouvrir le coffre… tout en étant très intéressés par le coffre ! Ce n’était donc pas un problème ni de curiosité ni de motivation, mais bien un problème de compétence de résolution de problème.

En équivalent humain, c’est comme si on pensait aux familles royales d’antan qui avaient une horde de domestiques et ne savaient pas faire à manger ou faire une lessive eux-mêmes. Des assistés comme diraient certains (mais ici, on juge pas ; seule Alexandra Ledermann peut vous juger). D’ailleurs les chevaux qui ont le plus reniflé le coffre (l’air de dire à l’humain “et oh, faut ouvrir CE TRUC LÀ, que je te MONTRE avec mon NEZ”) sont ceux qui ont le moins ouvert le coffre.

Pour les compétences de résolution de problèmes de votre cheval, évitez de devenir le centre de son monde (même si lui, est le centre du vôtre)

L’équipe de recherche constate une corrélation négative (pas de panique, je vais traduire ça en mots normaux) entre l’attention de cheval vers l’humain et le succès à la tâche d’ouverture du coffre. En gros, plus le cheval regarde et renifle l’humain, moins il va réussir à ouvrir le coffre. Ces chevaux, si l’humain ne répond pas à leur demande, montrent d’ailleurs des comportements de frustration. #PasContent #LePersonnelCestPlusCeQueCétait

“On est pas mieux servi que par soi-même”est parfois vrai

Les chevaux n’apprennent pas en reproduisant nos mouvements (si un humain montre au cheval comment ouvrir le coffre, il ne va pas ensuite mimer). Un cheval doit trouver sa propre solution, son propre chemin. Et pour ça, il doit développer et entretenir des compétences de résolution de problème.

En effet, ses compétences sont influencées par un long processus de domestication qui l’a façonné lui et ses ancêtres, mais ses expériences personnelles (avec vous) le façonnent également ! Bon, l’équipe de recherche ne peut pas se prononcer si c’est la domestication ou les expériences des chevaux qui ont influencé leurs performances pendant cette expérience…

Il y a donc des chevaux avec de meilleures compétences de résolution de problème face à des tâches inhabituelles (on croise pas la route d’un coffre à nourriture tous les quatre matins) que d’autres. Cela dépend (en présence d’un humain) du niveau de dépendance du cheval auprès de l’humain. Après, est-ce que c’est bien ou mal ? Les chercheuses et chercheurs n’expriment pas ce genre de jugement ici, à vous de vous faire votre avis

Bref, pourquoi ne pas essayer de laisser votre cheval un peu galérer parfois (pas pour les besoins vitaux et urgents bien sûr !). Ça fait marcher leur tête et ça repose la vôtre !

Et pour celles et ceux d’entre-vous qui possèdent le cheval qui ouvre son box, ceux des voisins et le portail… Désolée, mais la science n’a encore pas de solution pour vous !

Article scientifique cité :

Lesimple, C., Sankey, C., Richard, M. A., & Hausberger, M. (2012). Do horses expect humans to solve their problems?. Frontiers in psychology, 3, 306. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2012.00306

couple cavalier cheval retraite pre
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Agathe Nobis

Stagiaire psychologue

À cheval entre la neuroscience et la psychologie, je suis maintenant en relation à distance avec Kabour, un hongre de 26 ans, après plus de 10 ans de vie commune. Kabour a littéralement changé mon rapport à mes émotions. C’est cette relation, ainsi qu’une expérience en équithérapie en Nouvelle-Zélande, qui m’ont poussé à reprendre mes études entre psychologie clinique et recherche scientifique.